Cet opus de "parler de ma vie...", va être un bordel sans nom. On va prendre les pensées comme elles viennent et je compte sur toi, pour te faire un tri approximatif du bidule.
- Un peu plus d'une semaine (à l'heure où j'écris, la date de publication elle, pfffft....) que ma vie est devenue toute noire. Une semaine que je vis au rythme infernal d'un scope posé sur la poitrine de mon père. Tu me suis surement sur un réseau social, tu dois déjà être au courant mais mon papa a fait une embolie pulmonaire. Deux jours avant son anniversaire. Et moi, j'ai serré les dents, pris sur moi et tenter tant bien que mal de faire bonne figure pour le reste de la civilisation.
J'ai pleuré dans ma voiture entre deux portes. J'ai tripoté mon téléphone avant de le reposer dans un soupir. Fallait être forte. Et fallait le faire toute seule, cette fois.
Je vais le voir tous les jours, parfois quelques heures, parfois moins. Comme tout le monde, je déteste les hôpitaux. Pour y avoir travaillé 15 ans, peut-être un petit peu plus que tout le monde. Va savoir.
C'est un drôle de monde, l'hôpital. Et comme à chaque fois que j'ai du y être confrontée, j'ai envie de faire des tonnes de câlins à toutes les infirmières (parents pauvres de la profession, malheureusement) que je croise. Ce métier, c'est pas possible que ce soit une passion, c'est forcément plus fort que ça, surtout pour celles et ceux qui ont choisit le public!
Mon père va un peu mieux enfin c'est moins pire qu'en entrant (mais ça pouvait difficilement l'être), je serais rassurée quand il recommencera à se moquer de moi dans le but unique de me faire rire. Pas avant.
- J'ai revu mon chirurgien de l'orteil après les 6 semaines réglementaires et hormis la trace de bronzage de son alliance qui ne l'a même pas empêché de m'inviter à diner, j'ai été condamné à ne pas courir pour le moment. C'est amusant quand on sait que depuis quelques semaines, je ne fais que ça (d'accord pas au sens propre du terme, mais bon).
Je ne suis plus fatiguée. Non, "fatiguée", c'est joli, mignon, propret. Moi, je suis "à jeter". Si, je te jure! A l'Ouest aussi souvent. Ce que c'est pénible de ne jamais terminer vraiment une journée avant d'enchainer la suivante. Toujours un truc sur le feu la Kaki!
Et quand on sait à quel point, j'aime me poser et observer le monde. Je suis la frustration incarnée.
Je ne me souviens plus bien quand est-ce qu'a eu lieu, mon dernier moment à moi, pour moi.
Je sais, je suis un brin égoïste sur ce coup-là. N'empêche.
- Dimanche dernier, je me suis autorisée deux petites heures (le voilà le dernier moment, mais tu vas vite lire que finalement, non). J'habite à Valenciennes et figure toi que le dernier dimanche d'Août, on sort Binbin. Binbin, c'est le géant de la ville, le fils des Gayand (les géants de Douai). Pour commencer, j'ai été assez stupéfaite de me rendre compte que tout le monde (ou presque) s'en tamponne de l'histoire de nos géants. Ca m'attriste. Ce folklore fait aussi partie de l'histoire de ma région.
Ce snobisme insupportable de ma génération, qui trouve tout trop kitch mais qui vit dans un revival d'un appartement scandinave des années 70 me tue.
Bref, sous une chaleur écrasante (35 degrés fin Août dans le Nord, on n'est pas super habitué. J'ai quand même ressorti le pyjama en pilou pilou, 5 jours plus tard), je suis donc allée à la rencontre de Binbin. Il y avait des orchestres (j'adore ça), des danseuses latino (aux corps de déesses grecques, les pestes!) et des majorettes (follement choupinettes. Et puis, je l'ai été plus jeune. Je compatis.) mais point de Binbin à l'horizon.
Je m'impatiente (surtout que je n'ai que deux petites heures) et décide de remonter le cortège. Je me prends une tonne et demie de confettis sur la tête mais je suis déterminée: Je veux voir Binbin. Je fais une pause, parce que je suis en nage principalement et puis, le lancé de bâtons des majorettes me fascine encore à mon âge. Et d'un seul coup, je sens la foule (si, si une foule même à Valenciennes) s'électriser, un brouhaha qui monte crescendo. Je me rends compte que je vois arriver la rumeur. De loin. Et pour la première fois de ma vie, au sens propre du terme.
Du coup, je m'assieds sur un banc et observe. Je la vois arriver du haut de l'avenue, les gens s'agitent au loin alors que mes voisins sont tendus comme des arcs pour en profiter le plus rapidement possible...
Binbin a perdu la tête.
Je crois à une blague. J'envoie un texto à mon père pour lui apprendre la nouvelle. Il me répond illico de quitter l'endroit, je porte poisse! L'humour chez nous, c'est transgénérationnel. Je remonte la foule et arrive devant un Binbin à l'agonie que l'on a du allonger pour soulager ses souffrances (et accessoirement lui refixer la tête). Encore une fois, j'observe. Je ne pense plus à rien d'autres qu'à Binbin. Et aux larmes qu'il fait couler sur les joues des plus jeunes enfants près de lui. Derrière les parents sourient, s'en amusent et tentent de rassurer les plus petits, en promettant que "non, Binbin n'est pas tombé, Binbin fait dodo".
Je ne verrais pas notre géant sur pied. Ce contretemps, a laissé couler ces deux petites heures que j'avais volé à ma vie. Il est temps de la retrouver.
- Très vite, la rentrée scolaire est revenue. Et la tête de dépressif de mon Ingrat de fils avec!
Non, mais tu te rends compte? Il finit 3 jours par semaine à 17h30, le drame quoi!
Sans compter qu'il a beau compter et recompter, il a 34 heures de cours sur 5 jours. Limite le bagne. Bon, au regard des 18h hebdomadaires de ses profs, y a pas photos mais j'ai évité de soulever ce point pour le moment. Il n'est pas prêt pour l'ironie. Pas encore.
Une rentrée sans grand drame et sans grand bonheur non plus, j'ai l'impression, pour lui. Il s'inquiète aussi pour son grand-père. Cet homme qu'il aime et qui l'aime d'un amour sans faille depuis presque 18 ans. Comme nous avons de la chance d'avoir un homme comme lui dans nos vies.
Je vais le chercher à la sortie du lycée dès que j'en ai l'occasion pour lui éviter les trajets interminables de nos bus de province et j'en profite pour regarder la jeunesse.
Pas plus tard qu'hier après-midi, calée dans ma voiture à lire sur ma Kindle, je lève le nez et tombe sur deux adolescents, apparemment éperdument amoureux, qui se bécotent sur la place. La jeune fille, très jeune fille, seize ans peut-être attrape la main du jeune mâle et l'entraine dans la rue perpendiculaire, pour être un peu plus à l'abri des regards, je suppose. De ma voiture, je ne rate rien. J'ai même eu envie de faire des appels de phare, comme pour prévenir que j'étais là.
Ca s'embrasse à risquer l'asphyxie, ça se dandine, se frotille gentiment mais sans aucune pudeur.
Et là, je pense forcément à la mère de cette jeune fille et au risque encouru pour son coeur si elle était mise en face de cette scène passionnée (et pas du tout passionnante au demeurant hein, faut pas déconner non plus). Je détesterai que mon fils se comporte de cette manière. Sans pudeur. Et malheureusement, je suppose qu'il fait exactement la même chose...
- Et puis, il y a ce week-end sur Paris à préparer. Je vais devoir annuler un treck (à regrets, tu penses) mais je vis les choses dans l'urgence où elles se présentent, désormais. Le treck, on pourra bien le faire plus tard, pas vrai Nicolas?
Et tu sais, c'est carrément compliqué d'organiser un week-end à Paris quand il s'agit de faire aimer cette ville. Je l'aime parce que j'y suis née. Intrasèquement. Mais la faire aimer, il y a un sacré challenge. Et en deux petits jours, c'est limite impossible. Il faut la vivre la capitale, la respirer, la laisser nous prendre au corps.
Alors avec un timing aussi serré, je sens bien que là encore, ça va être la course. Et je ne sais pas si je dois organiser ou nous laisser porter (tu sais bien que je me laisserai volontiers attendrir par la seconde option).
Bon, j'ai déjà réservé l'hôtel et quand on me connait, on se dit que quand même "wahou", quoi!
- Il y a un an, tout pile. Je divorçais. Le 4 septembre 2014.
Un an, punaise. Et aujourd'hui, je suis impatiente d'être ce soir... Je ne regrette rien. Et puis, de toutes façons, à quoi ça sert les regrets? A se faire des noeuds au coeur, c'est tout. J'ai pas envie de ça du tout.
Là, tout de suite, j'ai juste envie que cette journée qui s'annonce interminable, tire sa révérence.
Il y a encore plein de moments comme ceux-là que je pourrais te raconter. Comme ce canapé qu'on m'a laissé squatter plus que de raison ces derniers temps (encore merci!), cette porte qui s'ouvre à n'importe quelle heure au gré de mes tempêtes intérieures (bon, j'arrête de dire merci, promis!), cette musique de sauvage que l'on m'impose à tous les étages et que je finirais presque par apprécier (non, les mercis j'ai arrêté à la phrase précédente, désolée). Ces potes qui n'en finissent plus de venir aux nouvelles, à parfois m'empêcher de vivre tranquille (oui, et en plus, elle se plaint!).
Cette vie qui malgré un karma plus que pourri me donne aussi l'opportunité de vivre tout un tas de choses émotionnellement fortes mais qui sait aussi m'apprendre à gérer l'inévitable, doucement.
Je pourrais aussi raconter tous ces fous rires partagés avec mes collègues, parfois avec de parfaits inconnus à la friterie du coin mais en vrai, on s'en fiche un peu de mon journal de vie.
Enfin surtout toi, vous... Moi, je me laisse une trace pour plus tard, c'est tout.